Ils en ont rêvé, ont tout programmé dans les moindres détails depuis des mois, ont choisi une date porte-bonheur, ont averti tous leurs proches. Mais, voilà, le Coronavirus est passé par là… Alors, on fait quoi ?
L’apparition du Covid-19 en Belgique et l’adoption des nécessaires mesures de confinement destinées à enrayer sa progression ont conduit de nombreux couples à bousculer les plans du plus beau jour de leur vie et les Officiers de l’état civil du pays à s’adapter. Le choix qui s’offre à ces couples est le suivant : soit ils maintiennent leur union à la date prévue et elle se fait suivant les règles arrêtées par le Gouvernement fédéral, soit ils reportent celle-ci.
Il n’appartient pas à l’Administration communale d’orienter le choix à poser par ces couples. Se marier est un droit fondamental et la continuité du service public commande que nos administrations mettent tout en œuvre pour qu’il puisse être exercé.
Ils maintiennent la date de leur mariage
Les cérémonies de mariage n’étaient pas expressément visées parmi les exceptions de rassemblement reprises dans l’arrêté ministériel du 23.03.2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du Covid-19, de sorte que les mesures étaient disparates d’une commune à l’autre. Un arrêté du 03.04.2020 pris par le Ministre de l’Intérieur y remédie.
Celui-ci prévoit que les mariages civils peuvent avoir lieu uniquement en présence des conjoints, de leurs témoins et de l'Officier de l'état civil. Depuis ce vendredi 3 avril 2020, plus question donc de recevoir les parents des mariés ou encore, un photographe, comme certains Officiers de l’état civil l’autorisaient et ce, même en maintenant la distanciation sociale.
Il faut donc revoir sa copie et prévenir les futurs époux, dont les cérémonies sont fixées endéans (au moins) les trois prochaines semaines, que seuls leurs témoins pourront être présents à leurs côtés. Il s’agit, évidemment, des témoins que les futurs époux ont précédemment désignés et qui sont, au maximum, au nombre de quatre.
Ces modifications pourraient décider certains couples à, finalement, reporter leur mariage.
L’arrêté ministériel ne vise que l’Officier de l’état civil. Qu’en est-il de l’agent qui, nécessairement, l’accompagne ?
Bien qu’il ne soit pas repris expressément dans cette énonciation, l’agent communal qui a monté le dossier administratif et qui assiste l’Officier au cours de la cérémonie doit être considéré comme, tacitement, autorisé à être présent.
Et la publicité du mariage dans ces conditions me direz-vous ? Elle vise, principalement, à permettre de dénoncer les éventuels empêchements à mariage ou les oppositions au mariage, mais la vérification effectuée par l’Officier de l’état civil au préalable garantit l’absence d’empêchement, de même que la procédure en annulation permettra à un éventuel opposant au mariage de faire valoir ses arguments.
Et pourquoi ne pas envisager, avec l’accord des futurs époux et dans la mesure du possible, de mettre en place un système de retransmission de la cérémonie en direct à l’attention, notamment, des nombreux proches qui ne sont pas autorisés à y participer ?
Les nouvelles technologies sont vraiment des outils indispensables aux Officiers de l’état civil en cette période particulière. Leur utilisation doit être encouragée. De nombreuses communes retransmettent en direct les séances du Conseil communal. Le matériel utilisé à cet effet pourrait, dans l’attente de la reprise de ces séances, être affecté aux cérémonies de mariage.
Mais peut-on encore aller plus loin ? Pourrait-on envisager un mariage par vidéoconférence en cas d’impossibilité pour un des futurs époux, voire les deux, de se déplacer à l’Hôtel de Ville car touché par la maladie ?
Même si l’Officier de l’état civil pourrait s’assurer du consentement et de la volonté de chacun des futurs époux virtuellement, cela nous apparaît aller beaucoup trop loin.
Enfin, en ce qui concerne le lieu de la cérémonie, quelques communes de plus grande taille disposent de plusieurs maisons communales dans lesquelles sont célébrés les mariages sur leur territoire. On ne saurait que trop leur conseiller de limiter les cérémonies à l’Hôtel de Ville de manière à éviter de multiplier les lieux à désinfecter et le personnel communal à mobiliser.
Si l’Officier de l’état civil veillera au respect des règles de distanciation sociale entre les époux, les témoins, l’agent communal et lui-même ainsi qu’à la mise à disposition de gel hydroalcoolique à l’entrée de l’Hôtel de Ville, si les mariages célébrés le même jour seront suffisamment espacés pour éviter que les différents époux et leurs accompagnants ne se croisent, l’échange des alliances (le cas échéant) et le traditionnel baiser des mariés sont, eux, autorisés !
Ils reportent la date de leur mariage
Comme on a pu le voir ces dernières semaines à travers de nombreuses interviews, bon nombre de couples ont fait le choix de reporter la date de leur mariage pour partager leur bonheur avec les leurs.
En ce qui concerne la Ville de Charleroi, sur les 45 mariages fixés dans le courant du mois d’avril, 20 ont été reportés à une date ultérieure à la demande des intéressés.
Concrètement, ça se passe comment ?
Il est indispensable que l’Officier de l’état civil dispose d’une demande écrite de report de la date de célébration du mariage. Il pourra, ainsi, ajouter cette demande au dossier administratif des intéressés.
Cette demande peut être adressée par mail au service en charge des mariages. Il est idéal qu’elle reflète le souhait des deux conjoints (cela paraît logique) et qu’elle reprenne une signature électronique (via sa carte d’identité et son lecteur) permettant d’identifier avec certitude l’expéditeur du mail.
Dans le cadre de ces cérémonies postposées, l’Administration communale doit être particulièrement attentive à deux choses : l’éventuelle nécessité d’une nouvelle déclaration de mariage et une parfaite gestion de l’agenda des cérémonies après le confinement.
On le sait, le mariage doit être célébré endéans 6 mois et 14 jours à compter de la signature de la déclaration de mariage par l’Officier de l’état civil (jour de la signature non comptabilisé). Si la cérémonie devait être reportée à une date située au-delà de cette période de validité, une nouvelle déclaration de mariage devrait être signée par l’Officier de l’état civil.
Dans ce contexte, les documents déposés dans le cadre de la première déclaration de mariage des intéressés seront réutilisés. Il n’est évidemment pas question de pénaliser encore plus les futurs époux, mais simplement de vérifier que la volonté de chacun de s’engager est toujours bien présente.
A côté de cela se pose l’épineuse question de l’agenda des célébrations. Tous ces mariages postposés devront venir s’intercaler dans des plages horaires parfois déjà pleines. Les Officiers de l’état civil devront réfléchir à des moyens d’élargir les disponibilités avec, pourquoi pas, un recours aux cérémonies les dimanches et les jours fériés comme le prévoit le Code civil et ce, afin d’éviter la saturation et les cérémonies expédiées.
Et les couples qui désirent se marier dans tout ça ?
Le confinement, s’il grossira peut-être les chiffres des divorces, pourrait susciter chez certains des envies de convoler. Après tout, la vie continue.
Un mariage, on le sait, ça se prépare et ça s’anticipe. Il est donc nécessaire que l’Administration communale continue à assurer la réception des déclarations de mariage.
Pour rappel, une déclaration de mariage, à l’instar d’une déclaration de reconnaissance, n’est pas un acte de l’état civil de sorte qu’on peut adopter une certaine souplesse quant à celle-ci.
En cette période particulière, de manière à limiter les contacts entre les citoyens et les agents communaux, on peut envisager de créer une adresse mail spécifique destinée à recevoir les renseignements et les documents nécessaires à l’établissement d’une déclaration de mariage. La déclaration de mariage est la manifestation de l’intention de chacun des intéressés de voir modifier son état civil.
Donc, l’envoi par mail de l’expression de cette intention par chacun des époux par le biais d’un écrit daté et signé de sa main accompagnée d’une copie recto-verso de la carte d’identité de chacun et de l’ensemble des documents visés à l’article 164/2 du Code civil (variables en fonction des futurs époux) est possible.
Bien sûr, tous les documents devront être scannés en format PDF et dans une bonne résolution afin que l’Officier de l’état civil soit certain de leur authenticité et puisse en vérifier aisément le contenu.
Le mail devra également être revêtu d’une signature électronique apposée à l’aide d’une carte d’identité et d’un lecteur eID afin que l’expéditeur soit identifié de manière formelle.
La procédure prévue aux articles 164/1 et 164/2 du Code civil suit ensuite son cours.
Pour les intéressés qui n’ont pas accès à Internet ou qui sont dans l’impossibilité de scanner les documents nécessaires ou encore, qui ne disposent pas d’une signature électronique, il reste la possibilité de contacter l’Administration communale par téléphone ou par mail pour exposer leur situation et connaître les démarches éventuelles à accomplir (obtention de documents, ...) avant de se présenter à un rendez-vous qui leur sera donné en temps utile.
Ce confinement oblige les Officiers de l’état civil et les agents communaux à réinventer leur métier, avec pour seuls objectifs la continuité du service public et la prise en compte de l’Humain.
Gwennaëlle MALBURNY - Juriste attachée à l'état civil - Ville de Charleroi