Il n’est pas raisonnablement justifié que l’enfant majeur qui a introduit avec succès une action en contestation de paternité et à l’égard duquel un lien de filiation avec son père biologique est établi, ne puisse pas choisir de porter le nom de son père biologique.
Telle est la réponse de la Cour constitutionnelle à une question préjudicielle qui lui était posée. Les juges ont conclu que l’article 335, § 4 de l’ancien Code civil violait la Constitution (Arrêt n° 139/2023 du 19 octobre 2023).
L’affaire
Un enfant majeur avait un lien de filiation avec le conjoint de sa mère, dont il portait le nom depuis sa naissance. Il a contesté ce lien de paternité et sa demande a été déclarée fondée. Il porte depuis lors le nom de sa mère.
Son père biologique l’a ensuite reconnu volontairement devant l’OEC. Mais lorsque l’intéressé a demandé au Tribunal de statuer sur le changement de son nom patronymique (il souhaitait porter le nom de son père biologique), le Tribunal s’est déclaré incompétent.
En cause, l’article 335, § 4 de l’ancien Code civil. Pour le Tribunal, cet article ne lui confère pas le pouvoir d’acter le nom choisi par le demandeur lorsque l’enfant est reconnu volontairement devant l’officier de l’état civil après avoir contesté avec succès la paternité du père légal.
La Cour a conclu que l'article 335 §4 de l'ancien Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu’elle ne permet pas au tribunal de prendre note du choix du nom d'un enfant adulte, qui est volontairement reconnu par son père biologique après une contestation de paternité réussie.
Dans un précédent arrêt, la Cour constitutionnelle avait jugé que l'article 335 §3, qui ne permet pas à un adulte ayant contesté avec succès sa paternité de porter le nom de son père biologique, violait la Constitution.
Des changements législatifs en vue
Le « projet de loi portant dispositions diverses en matière civile et judiciaire » modifie certaines modalités d’attribution du nom en cas d’établissement successif des liens de filiation à l’égard d’enfants mineurs ou majeurs, peu importe que le nouveau lien de filiation qui conditionne leur application soit établi à l’égard d’un père, d’une mère ou d’une coparente.
Les modifications prévues sont nombreuses, citons entre autres :
- La possibilité pour les enfants majeurs d’effectuer une déclaration de choix de nom au moment de leur reconnaissance postnatale comme c’est déjà le cas pour les parents des enfants mineurs ; et l’intégration non seulement de la déclaration de choix de nom dans le dossier de déclaration de reconnaissance mais aussi du consentement de l’enfant mineur sur ce choix, de sorte que si l’enfant ne donne pas son aval à ce changement de nom, cette déclaration sera sans conséquence et ce choix ne sera pas mentionné dans l’acte de reconnaissance.
- Une disposition technique qui permet d’établir l’éventuel lien entre l’acte de changement de nom d’un enfant majeur et, le cas échéant, l’acte de reconnaissance du parent qui est à l’origine de ce changement de nom.
- Les enfants majeurs pourront effectuer une déclaration de choix de nom au moment de la reconnaissance du deuxième lien de filiation devant l’officier de l’état civil. C’est à eux et pas à leurs parents de la faire.
- À l’instar des enfants majeurs, les enfants de plus de douze ans auront aussi désormais la possibilité d’exprimer leur consentement à un changement de nom.
- L’officier de l’état civil ne pourra plus modifier le nom d’un enfant dans l’année qui suit la reconnaissance postnatale, ce changement de nom devant désormais être acté au moment de la déclaration de reconnaissance.
- Les personnes concernées ne devraient plus être renvoyées vers une autre autorité pour faire acter un choix de nom comme c’était le cas auparavant. Il s’agit d’une source de difficultés comme l’indique la pratique (difficultés d’intégration du nouveau nom dans la BAEC, incertitudes sur le nom de l’enfant, …). À l’avenir, indépendamment de toute requête formulée en ce sens, le juge actera le nouveau nom dans sa décision aboutissant à l’établissement ou à la contestation d’un lien de filiation et ce, pour pallier toute incertitude à ce sujet et parce qu’il s’agit d’un effet de la filiation.
- Un nouvel article 335sexies dans l’ancien Code civil prévoit une transmission automatique du nom du parent dont la filiation a été modifiée, aux descendants mineurs au premier degré si ce nom leur a été attribué. Dans ce cas, l’officier de l’état civil devra procéder à la modification de la mention du nom dans les actes des enfants au même titre qu’il doit le faire pour les actes du parent dans lesquelles elle apparaît. Si un ou plusieurs enfants du parent concerné par le changement de filiation sont majeurs, l’OEC ne pourra pas intervenir d’initiative. De fait, leur changement de nom repose sur un consentement et est l’expression d’un choix personnel qui ne peut s’imposer aux autres enfants issus des mêmes parents. Ce consentement sera exprimé sous la forme d’une démarche qu’ils devront accomplir: il faudra qu’ils demandent à l’officier de l’état civil de faire établir un acte de changement de nom.
- Le texte consacre expressément dans la loi l’automatisation du changement de nom des enfants en cas de changement du nom du parent pour cause de modification d’un lien de filiation. Et ce pour éviter que ces enfants ou leurs représentants ne doivent recourir à une procédure de changement de nom par la voie administrative – qui est synonyme d’incertitude et de frais – pour régulariser la situation. Ce principe n’est toutefois pas absolu. Le changement du nom d’une personne majeure n’est possible que s’il a donné son consentement. L’OEC ne peut plus agir d’initiative, c’est à l’enfant majeur de faire les démarches nécessaires pour que son consentement soit acté sous la forme d’un acte de changement de nom (pas d’un acte de déclaration de choix de nom puisqu’on ne lui attribue pas un nouveau nom, on le modifie en raison du changement de nom du parent dont la filiation est modifiée).