La Commune de Grâce-Hollogne célèbre en moyenne 60 à 70 mariages par an. L’an dernier, la salle des mariages a accueilli pour la deuxième fois les caméras de RTL TVI venues filmer un « mariage au premier regard ». Le concept de cette émission de télévision diffusée depuis 2016 en Belgique est simple : former des couples avec des célibataires inconnus grâce à un "taux de compatibilité". Les candidats retenus se rencontrent pour la première fois le jour de leur mariage... OrangeConnect s’est rendu à Grâce-Hollogne pour recueillir le témoignage de M. Frédéric Tihon, Chef des Services État Civil, Population et Sépultures, sur les préparatifs et le déroulement de cette cérémonie un peu particulière, mais tout à fait légale.
Propos recueillis par Lisa D’Angelo
Les formalités préalables au mariage ont-elles pris plus de temps que pour un mariage « traditionnel » ? Avez-vous dû vous adapter ?
Sur le plan administratif, nous appliquons la même procédure que pour les mariages dits « classiques ». C’est la logistique qui a nécessité une préparation plus importante.
Notre Commune a déjà eu l’occasion de participer à deux reprises à l’émission « Mariés au premier regard » : en 2021 et en 2022. Dans un premier temps, la production de RTL TVI a adressé une demande d’autorisation de filmer un mariage pour l’émission quelques mois avant la date prévue. Cela n’a pas posé de problème pour notre Commune. Le Bourgmestre et l’Officier de l’État Civil ont émis un accord. La décision favorable a été ratifiée par le Collège communal. Dès que la décision a été prise, RTL TVI a repris contact avec nous, notamment avec le Service État Civil, pour inspecter les lieux préalablement à la cérémonie: le bâtiment, la salle des mariages, l’accès ainsi que les abords. C’était donc la première étape : la prise de contact.
Dans un deuxième temps, il a fallu respecter la procédure prévue aux articles 164 et suivants du Code civil concernant la déclaration de mariage qui doit être effectuée devant l’Officier de l’État Civil. Elle nécessite en principe la présence des deux futurs époux. Si l’un des deux ne peut pas venir, il a la possibilité de donner une procuration écrite par laquelle il consent à ce que son futur époux ou sa future épouse le représente pour effectuer cette démarche.
Dans le cadre du deuxième « mariage au premier regard » célébré chez nous, la future épouse domiciliée à Grâce-Hollogne s’est présentée en compagnie d’une productrice de RTL TVI qui, elle, était munie d’une procuration du futur époux. Nous avons dû être vigilants parce que la future épouse ne pouvait pas voir le nom et le prénom, ni les données personnelles de son futur époux, puisqu’ils sont sensés ne pas se connaître et ne se voir que le jour de la célébration du mariage. Ce qui est assez exceptionnel par rapport aux autres mariages…
Concrètement, c’est la productrice qui est rentrée la première dans le bureau avec tous les documents concernant le futur époux qui lui n’était pas domicilié à Grâce-Hollogne. Ensuite la future épouse est entrée dans le bureau, donc pas en même temps que la productrice, et elle a dû signer le document de déclaration de mariage en blanc : sans pouvoir consulter le texte reprenant les données de son futur époux, ce qui est inhabituel dans cette procédure. La date de mariage a été officiellement fixée à partir de l’enregistrement de la déclaration. La célébration du mariage a eu lieu dans le courant du mois d’octobre 2022. L’émission a été enregistrée le jour de la célébration et a été diffusée en avril 2023.
Avez-vous à un moment donné sollicité l’avis du Procureur du Roi ?
Lors de la première émission à laquelle nous avons participé, comme c'était nouveau pour nous, nous avons pris le temps de demander l’avis du Procureur du Roi. Nous voulions vraiment respecter la légalité. Le Parquet nous a répondu avec une certaine réserve. Il nous a invités à la prudence, et nous a recommandé de veiller à ce que toutes les conditions nécessaires à la célébration du mariage en conformité avec le Code civil soient respectées. Plus particulièrement, en ce qui concerne le consentement des intéressés car le Code pénal en son article 265 punit d’une peine de 26 à 500 euros l’Officier de l’État Civil qui aurait procédé à une célébration d’un mariage sans s’assurer d’avoir reçu les consentements requis des futurs époux.
Étiez-vous personnellement pour ou contre cette célébration ?
En tant que fonctionnaire communal, je suis soumis au respect du niveau hiérarchique et notamment aux décisions de l’autorité collégiale. Donc, pour ma part, je remets mon rapport sans donner d’avis personnel et j’y annexe l’avis du Parquet. Le Collège a pris une décision favorable pour donner suite à la demande.
A titre personnel, je pense qu’une cérémonie de mariage est une cérémonie officielle, solennelle, qui doit faire l’objet d’un certain sérieux. Les deux moments clés pour valider officiellement une cérémonie civile de mariage c'est l’échange des consentements au niveau verbal effectué en présence de l’Officier de l’État Civil par les futurs époux. L’Officier de l’État Civil pose la question à chacun des époux, donc c'est très important. Le deuxième moment clé c’est la signature par l’Officier de l’État Civil de l’acte de mariage, via la signature électronique, qui valide officiellement l’acte de mariage.
Comment s’est déroulée la cérémonie du mariage ? Avez-vous perçu une forme d’hésitation de la part des candidats au mariage lors de l’échange des consentements ? Ou la pression extérieure (médias, famille, etc.) ?
Les deux « fiancés » se sont dit oui sans aucune hésitation. Nous n’avons perçu aucune hésitation lors des deux cérémonies. Et dans les familles, nous n’avons pas réellement senti de tension ni d’opposition.
Au niveau de la procédure, l’OEC était à chaque fois le Bourgmestre qui a légalement la possibilité de déléguer la célébration à un échevin du Collège. Ici c’est donc lui qui a participé aux deux émissions enregistrées et je l’ai accompagné en tant que Secrétaire de l’État Civil. Nous avons constaté que cela se passait relativement bien. Nous avions des directives bien spécifiques de RTL TVI à respecter. Nous étions contraints de rester dans un local adjacent à la salle des mariages dans l’attente du feu vert des producteurs de l’émission pour pouvoir rentrer dans la salle des mariages. Prioritairement, les belles familles sont rentrées dans la salle pour faire connaissance ; ensuite, le futur marié s’est présenté et a fait connaissance avec sa belle-famille ; puis ce fut au tour de la future épouse accompagnée de son papa. Enfin, nous - le Bourgmestre, Officier de l’État Civil, et moi en tant que Secrétaire de l’État Civil – sommes entrés dans la salle des mariages. Le cérémonial habituel a alors pu commencer. On applique exactement la même procédure que pour tout autre mariage traditionnel, que ce soit pour la lecture du texte inaugural de bienvenue, la lecture des articles du Code civil concernant le mariage – obligatoire conformément à la loi - et l’échange des consentements. Ensuite, nous faisons signer les futurs époux même si, depuis 2019 avec l’entrée en vigueur de la BAEC, les communes ne sont plus obligées de le faire. Seule la signature électronique via la carte eID de l’OEC valide le mariage. Pour la forme, nous avons maintenu cela et nous faisons quand même signer les futurs époux sur leur dossier de mariage. Et les témoins sont également appelés.
Comprenez-vous les Officiers de l’État Civil qui refusent de célébrer de tels mariages ?
L’OEC dispose d’une autonomie dans ce cadre. En cas de refus, il n’y a pas de recours possible. La seule chose que peut faire RTL TVI est de contacter une autre commune qui accepterait de célébrer le mariage. Le mariage étant célébré dans une des deux communes où sont inscrits les futurs époux, il reste encore la possibilité de s’adresser éventuellement à la commune de résidence de l’autre futur époux.