En exigeant un certain niveau de connaissance linguistique non seulement à l’oral, mais aussi à l’écrit, pour acquérir la nationalité belge, certaines dispositions du Code de la nationalité belge sont discriminatoires à l’égard des analphabètes, a jugé la Cour constitutionnelle.
Le législateur va devoir remédier à cette inconstitutionnalité, a estimé la Cour, en prévoyant la possibilité pour ces étrangers de démontrer qu’en raison de leur analphabétisme, ils ne sont pas en mesure d’acquérir les aptitudes écrites en question.
Deux étrangers analphabètes, et qui sont dès lors incapables de lire ou d’écrire ou ne sont capables de lire ou d’écrire que dans une mesure très limitée avaient contesté devant le Tribunal de première instance de Flandre orientale l’avis négatif émis par le procureur du Roi concernant leurs déclarations de nationalité.
Les articles 1er, § 2, et 12bis, § 1er, du CNB exigent en effet que l’étranger démontre dans sa déclaration de nationalité qu’il dispose d’une connaissance minimale d’une des trois langues nationales correspondant au niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Cette exigence vaut tant pour la connaissance orale que pour la connaissance écrite de la langue nationale. Ce Tribunal s’est alors tournée vers la Cour constitutionnelle.
A la lumière des articles 10 et 11 de la Constitution – qui consacrent le principe d’égalité et de non-discrimination – la Cour a rendu son jugement le 23 mars 2023.
Elle reconnaît qu’il est pertinent d’exiger une connaissance linguistique minimale, parce les étrangers doivent justifier d’un certain degré d’intégration. La Cour relève que le niveau A2 signifie, en ce qui concerne les aptitudes écrites, que l’utilisateur de la langue est capable de comprendre et de rédiger des textes courts et simples. Selon la Cour, les étrangers analphabètes aussi peuvent en principe acquérir une telle connaissance linguistique écrite, relativement limitée. Elle ajoute toutefois que l’analphabétisme peut trouver son origine dans une diversité de facteurs et de circonstances susceptibles d’entraîner des lacunes en matière de compétences et de notions linguistiques de base, de sorte qu’il n’est pas possible d’exclure le fait qu’un groupe déterminé d’adultes analphabètes soit incapable d’acquérir ce niveau de connaissance linguistique écrite, même en participant aux formations prévues à cet effet. Dans de tels cas, l’exigence linguistique produit des effets disproportionnés au regard de l’objectif d’intégration poursuivi par le législateur.
Et de conclure que les articles 1er, § 2, et 12bis, § 1er, du CNB violent les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu’il ne prévoient pas d’exception à l’exigence de posséder une connaissance minimale d’une des langues nationales correspondant au niveau A2 à l’égard des étrangers analphabètes qui, bien qu’ils possèdent les compétences linguistiques orales exigées, ne sont pas capables, parce qu’il leur manque des compétences et notions linguistiques de base, d’acquérir les aptitudes écrites correspondant à ce niveau.